Action paulienne - intention frauduleuse
Action paulienne en 2025 : conditions de preuve de l'intention frauduleuse. Cass. com., 29 janv. 2025, n° 23-20.836

Cass. com., 29 janv. 2025, n° 23-20.836
La cour de cassation vient grandement simplifier les conditions d'exercice de l'action paulienne au bénéfice des créanciers. Comment? En supprimant l'obligation de prouver l'insolvabilité du débiteur lorsque l'acte frauduleux consiste à remplacer un actif saisissable par des fonds dissimulables.
Qu'est-ce que l'action paulienne
une arme contre la fraude des débiteurs permettant au créancier de contester les actes frauduleux d'un débiteur tendant à faire echapper des biens au gage du créancier.
Sa finalité : Rendre inopposables les actes du débiteur qui réduisent artificiellement son patrimoine (vente à bas prix, donation suspecte, etc.).
exemple : Un entrepreneur vend son entreprise à 1€ à un proche pour éviter une saisie. Le créancier utilise l’action paulienne pour saisir l’entreprise, désormais réputée toujours appartenir au débiteur.
Pourquoi cet arrêt
la Chambre commerciale prend à bras le corps la réalité de l'ingénierie patrimoniale pour faire échapper des biens du débiteur au gage du créancier.
La Cour écarte définitivement l'exigence de prouver l'insolvabilité du débiteur lorsque la fraude consiste en une substitution d'actifs :
elle considère que la simple transformation d'un bien saisissable (fonds de commerce) en liquidités dissimulables suffit à caractériser le préjudice.
Cela implique que le créancier n'ait désormais plus à démontrer l'appauvrissement ou l'insolvabilité apparente. Cela remet également en cause l'ingénierie patrimoniale s'agissant du recours à certains montages comme la conversion en cryptos etc...
La cour admet alors l'action paulienne même pour des actes à prix normal, sans incidence comptable directe.
Quel est le raisonnement de la cour
« Le préjudice s’infère du remplacement d’un actif aisément saisissable par des fonds plus aisés à dissimuler ».
Partant, elle opère un double glissement, tout d'abord de la Preuve de l'appauvrissement vers la prise en compte de l'effectivité du recouvrement, mais aussi du bilan patrimonial vers l'analyse des modalités concrètes d'exécution.
Toutefois, la cour ne balaie pour autant pas tout sur son passage. Aisni, l'arrêt conserve deux garde-fous essentiels, savoir l'intention frauduleuse du débiteur lors de l'acte ainsi que la complicité du tiers acquéreur pour les transactions onéreuses.
Quelles conséquences pratiques
Pour le créancier, il s'agit de mettre en place des processus de surveillance accrue des transformations d'actifs ainsi qu'une documentation systématique des flux financiers suspects.
Pour le débiteur, il s'agit d'être en mesure de justifier de l'utilité de l'opération querellée.
Que retenir de cet arrêt
la priorité donnée à l'effectivité et l'efficacité du recouvrement au détriment du formalisme comptable mais également la prise en compte des nouvelles formes de fraude patrimoniale (liquidités mobiles, actifs dématérialisés).
Conclusion
L'action paulienne se présente comme un outil de lutte contre les fraudes de plus en plus sophistiquées, afin d'assurer, sur le fil du rasoir, l'équilibre entre protection des créanciers et sécurité juridique des transactions.
Principales avancées juridiques
- Allègement de la charge de la preuve :
Le créancier n'a plus à démontrer : - Extension du champ d'application :
La fraude paulienne est reconnue même pour des actes : - **Prise en compte de l'intention frauduleuse :
La substitution d'un actif tangible (ex. fonds de commerce) par de la trésorerie mobile suffit à caractériser le préjudice, dès lors que cette manœuvre entrave matériellement le recouvrement57.
Implications pratiques
- Accélération des procédures : Les créanciers peuvent agir préventivement, sans attendre l'ouverture d'une procédure collective6.
- Nouveaux scénarios couverts :
La jurisprudence valide l'action paulienne dans des cas comme : - Renforcement des garanties : Les créanciers chirographaires disposent désormais d'un outil renforcé contre les stratégies d'évitement sophistiquées47.
Limites persistantes
Le créancier doit néanmoins prouver :
- La conscience du préjudice chez le débiteur au moment de l'acte
- La complicité du tiers acquéreur en cas de transaction à titre onéreux58
Cette évolution jurisprudentielle s'inscrit dans une logique de protection accrue des flux économiques, où l'effectivité du recouvrement prime sur le formalisme probatoire. Elle rééquilibre le rapport de force entre débiteurs et créanciers dans un contexte de complexification des montages patrimoniaux78.
