Arnaques en ligne : la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de vigilance

CA Grenoble, 9 septembre 2025 n° 24/00638. Nouvelle illustration de l'obligation de vigilance des établissements bancaires face aux arnaques des brouteurs.

CA Grenoble, 9 septembre 2025 n° 24/00638

Les faits : une fraude classique par "anomalies apparentes"

En l'espèce, un client a effectué 43 virements successifs vers l'étranger (Burkina Faso) pour un montant total de 234 906 euros, représentant 70% de son patrimoine. Il était victime d'une arnaque à l'héritage, un stratagème courant où l'escroc promet une fortune contre le paiement de "frais" préalables. Ces opérations s'étalaient sur plusieurs mois, constituant un faisceau d'indices concordants d'une fraude en cours.

Ces faits rappellent d'autres types d'escroqueries similaires, comme l'arnaque sentimentale ("faux Brad Pitt"), où le levier psychologique diffère mais où le mécanisme de virements successifs et injustifiés reste identique.

L'analyse de la Cour : la faute de la banque

La Cour d'appel a retenu la responsabilité de l'établissement de crédit pour manquement à son devoir de vigilance. Les juges ont relevé une série d'"anomalies intellectuelles flagrantes" que la banque aurait dû identifier :

  • La multiplicité des opérations sur une courte période.
  • L'importance des montants décaissés, qui vidaient substantiellement le patrimoine du client.
  • L'invraisemblance manifeste de l'objectif poursuivi par le client.

En n'alertant pas son client et en continuant d'exécuter passivement les ordres, la banque a commis une faute engageant sa responsabilité civile.

Point de vue de l'avocat : le cas aggravant de la victime vulnérable

La faute de la banque est d'autant plus lourde lorsque la victime est une personne vulnérable, notamment sous un régime de protection juridique (tutelle, curatelle). Le devoir de vigilance devient alors un devoir de protection renforcé. Laisser un compte se vider sans réagir dans un tel contexte relève d'une négligence inexcusable.

On peut légitimement s'interroger sur l'égalité des armes : d'un côté, des escrocs organisés qui ciblent les plus faibles ; de l'autre, un client dont la vulnérabilité est connue ou devrait l'être, et au milieu, une institution financière qui reste passive. La responsabilité de cette dernière ne peut qu'en être aggravée.

La solution : un partage de responsabilité

Malgré la faute avérée de la banque, la Cour a également retenu le "comportement imprudent et irresponsable" du client. En répondant à une promesse "absolument douteuse", il a contribué à son propre dommage.

La Cour a donc opté pour un partage de responsabilité, condamnant la banque à indemniser la victime à hauteur de 70% de son préjudice, soit 149 580 euros, laissant les 30% restants à sa charge.

Cette décision réaffirme une ligne jurisprudentielle constante : si le client doit faire preuve d'une prudence élémentaire, la banque, en sa qualité de professionnel, est le principal garant de la sécurité des fonds et doit assumer les conséquences de sa passivité face à une fraude évidente.

P.S. : To-do list en cas de suspicion d'arnaque

Si vous pensez être victime ou si vous constatez des opérations suspectes sur vos comptes, voici les réflexes à adopter immédiatement :

  1. Cesser tout contact et tout paiement : Ne répondez plus aux sollicitations et n'effectuez plus aucun virement, quel que soit le prétexte invoqué.
  2. Alerter immédiatement votre banque : Contactez votre conseiller pour signaler la fraude, demander le blocage de votre compte ou de votre carte, et tenter de faire annuler les dernières opérations (procédure de "recall").
  3. Déposer plainte : Rendez-vous au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie pour déposer plainte pour escroquerie. Munissez-vous de toutes les preuves en votre possession.
  4. Rassembler les preuves : Archivez tous les emails, messages (WhatsApp, SMS, etc.), références de virements, et relevés de compte concernés.
  5. Consulter un avocat spécialisé : Un avocat en droit bancaire pourra analyser votre situation, évaluer les manquements de la banque et vous accompagner pour engager une action en responsabilité afin d'obtenir l'indemnisation de votre préjudice.

Guillaume Fricker | Avocat

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