Bail commercial : Snack Resto, modification de la destination.
Résiliation judiciaire d’un bail commercial : la Cour de cassation confirme qu’une modification non autorisée de la destination des locaux, même en l’absence de restriction explicite dans le contrat, justifie la rupture du bail et l’expulsion du locataire. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383

3e civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383
Résumé de l’arrêt
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par un locataire commercial (M. [X]) contre un arrêt de la cour d’appel de Papeete du 24 août 2023. L’affaire concernait la résiliation judiciaire d’un bail commercial pour modification unilatérale de la destination contractuelle des locaux loués, le locataire ayant exploité un restaurant à la place d’un snack, ce qui excédait l’autorisation prévue au bail.
Contexte et faits
- Bail commercial signé en 1993 entre les bailleresses (héritières de [A] [J] et la SCI Océanienne) et M. [X], portant sur une parcelle, un bâtiment, et un parking pour y exploiter un centre d’animation, avec autorisation de construire un snack.
- Assignation du locataire en 2015 pour résiliation du bail, expulsion et indemnité d’occupation, au motif que l’activité exercée était celle d’un restaurant, non d’un snack comme prévu.
Problématique juridique
L’enjeu central portait sur la qualification de l’activité exercée : le locataire pouvait-il, sous couvert d’un snack, exploiter un véritable restaurant, alors que le bail n’imposait pas de restrictions explicites sur le type de restauration ou la vente d’alcool ?
Arguments du pourvoi
Le locataire a soulevé plusieurs moyens :
- Le bail autorisait la construction d’un snack sans restriction sur la nature des plats, la vente d’alcool ou la forme de restauration (sur place ou à emporter).
- La cour d’appel aurait dénaturé les pièces en se trompant sur les dates des constats d’huissier.
- Le juge devait tenir compte de toutes les circonstances, notamment l’absence de régularisation due à une procédure judiciaire complexe, pour apprécier la gravité du manquement.
Raisonnement de la Cour de cassation
- Constat matériel : La Cour a relevé que le bail autorisait la construction d’un snack, mais que l’établissement exploité proposait une cuisine sophistiquée (française, chinoise, fruits de mer, ris de veau, etc.), dépassant le cadre d’un simple snack.
- Gravité du manquement : La Cour a jugé que le locataire avait modifié unilatéralement la destination des lieux, sans informer les bailleresses, ce qui constituait un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
- Erreur matérielle sur les dates : L’erreur sur la date des constats d’huissier a été jugée sans incidence sur la solution du litige.
- Appréciation souveraine : La Cour rappelle que l’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Portée et enseignements de l’arrêt
1. Définition stricte de la destination contractuelle
Cet arrêt rappelle l’importance de la destination contractuelle dans le bail commercial. Même en l’absence de restrictions explicites, l’activité exercée doit rester conforme à ce qui a été initialement convenu entre les parties. L’exploitation d’un restaurant sophistiqué sous couvert d’un snack constitue une modification substantielle de la destination des lieux.
2. Pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond
La Cour de cassation confirme que l’appréciation de la gravité du manquement contractuel relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui peuvent tenir compte de l’ensemble des circonstances de la cause, y compris l’évolution de l’activité et l’absence d’information des bailleurs.
3. Incidence des erreurs matérielles
Les erreurs matérielles (ici, sur les dates des constats d’huissier) n’affectent pas la solution dès lors qu’elles sont sans incidence sur le fond du litige.
4. Conséquences pour les locataires commerciaux
Les locataires doivent veiller à ne pas dépasser la destination contractuelle des locaux, même si le bail semble permissif. Toute modification substantielle de l’activité doit être préalablement acceptée par le bailleur, sous peine de résiliation judiciaire.
Conclusion
Cet arrêt inédit de la Cour de cassation du 27 mars 2025 (n° 23-22.383) s’inscrit dans la jurisprudence constante sur la protection de la destination contractuelle dans les baux commerciaux. Il illustre la vigilance des juges face aux modifications non autorisées de l’activité commerciale et la nécessité, pour les locataires, de respecter strictement les termes du bail, sous peine de voir leur contrat résilié et d’être condamnés à indemniser les bailleurs.
