Postulation territoriale : risques d'une suppression - Avis de l'Autorité de la Concurrence

Pourqoui envisager la fin de postulation est une mauvaise idée.

Envisager la fin de la postulation territoriale : le justiciable, grand oublié de la dématérialisation ?


S’appuyant sur le développement du RPVA et l’arrivée attendue de Portalis, l’Autorité de la concurrence préconise la suppression de la postulation territoriale. Pourtant, cette approche techniciste fait abstraction des réalités du terrain et risque de fragiliser la sécurité juridique et l’accès au droit pour les justiciables, les grands oubliés de cette réforme.

Critique générale


L’argument selon lequel la dématérialisation rendrait superflue la limitation territoriale de la postulation est à nuancer fortement à l’aune de l’expérience quotidienne des praticiens.

Le RPVA, loin d’être une solution miracle, est fréquemment source de dysfonctionnements : interruptions de service, lenteurs, difficultés d’envoi ou de réception d’actes, notifications aléatoires, et manque d’assistance technique réactive. Ces aléas peuvent avoir des conséquences graves : actes non reçus à temps, audiences perturbées, défauts d’information des parties, autant de situations génératrices d’insécurité pour le justiciable.

Quant à Portalis, il n’est pour l’heure qu’un projet en phase de déploiement, dont l’efficacité réelle reste à éprouver à grande échelle. Miser sur son succès à venir pour modifier en profondeur la postulation relève d’une stratégie hasardeuse : réformer sans garantie sur la robustesse des outils numériques, c’est prendre le risque d’aggraver les difficultés pour les avocats… et surtout pour leurs clients.

La suppression de la postulation territoriale ne doit pas masquer que l’expertise et la connaissance fine des juridictions ne sont pas l’apanage des cabinets parisiens ou nationaux. Les avocats de province assurent une relation de proximité, une maîtrise des usages locaux, une réactivité précieuse face aux imprévus et accessoirement une expertise certaine qui n'est pas exclusive des cabinets parisiens. Leur rôle est d’autant plus crucial lorsque les outils numériques défaillent : ils sont alors les garants du bon déroulement des procédures et de l’accompagnement du justiciable.

En privilégiant une logique de marché et d’efficacité numérique, l’Autorité de la concurrence met la charrue avant les bœufs. Elle néglige la réalité des besoins du justiciable, qui attend sécurité, proximité et personnalisation du service. Oublier cette dimension, c’est risquer d’appauvrir la qualité de la justice et d’accroître l’insécurité procédurale.

Plus précisément, pourquoi s'en prendre aux saisies immobilières et autres voies d'exécution immobilières est une mauvaise idée

a) Technicité et complexité de la procédure


La saisie immobilière est une procédure technique, exigeant rigueur et parfaite maîtrise des délais, formalités et exigences locales. La proximité de l’avocat lui permet d’être réactif, de connaître les usages du tribunal, les pratiques du juge de l’exécution et les spécificités du barreau concerné : « Cette interdiction est opportune, étant donné la complexité et les risques liés à la procédure de saisie immobilière. Il importe également de limiter les risques d’incidents entre enchérisseurs et de veiller au sérieux des enchères. ».

b) Sécurité juridique et protection du justiciable


La territorialité garantit que l’avocat possède le pouvoir de représentation requis, évitant les nullités de procédure qui peuvent sanctionner la constitution d’un avocat non compétent localement.

c) Prévention des conflits d’intérêts et des abus

Limiter la postulation au barreau local évite la concentration de dossiers sensibles entre les mains de cabinets extérieurs, diminuant les risques de « chasse aux procédures » ou de démarchage : « il importe également de limiter les risques d’incidents entre enchérisseurs et de veiller au sérieux des enchères ».

d) Facilitation de l’organisation matérielle des audiences


La territorialité favorise la bonne organisation des audiences (présence physique, dépôt des pièces, contacts avec le greffe…), indispensable dans une procédure aussi encadrée et rapide que la saisie immobilière :
« la proximité de l’avocat lui permet d’être réactif, de connaître les usages du tribunal, les pratiques du juge de l’exécution et les spécificités du barreau concerné ».

e. Risques d’une suppression de la postulation territoriale

  • Multiplication des incidents de procédure (nullité des actes, retards, surcoûts, perte de chance pour les parties) :
  • Risque d’inégalité d’accès (désavantage pour les justiciables locaux face à des cabinets extérieurs, moins au fait des réalités locales).
  • Atteinte à la sécurité des transactions (exigence d’expertise locale et de coordination difficile à distance).
  • Déresponsabilisation des avocats (moindre implication et perte de qualité du suivi des dossiers).

f. Risques aggravés par la dématérialisation défaillante
L’argument de la dématérialisation (RPVA, Portalis) est largement surestimé. Le RPVA souffre de nombreux dysfonctionnements : lenteurs, pannes, notifications aléatoires, absence de support technique réactif. Portalis, dont l’efficacité reste à démontrer, ne peut servir de justification à une réforme aussi structurante. Miser sur ces outils pour supprimer la territorialité, c’est mettre la charrue avant les bœufs et accroître l’insécurité procédurale, au détriment direct des justiciables.

Conclusion


Avant d’ouvrir la voie à la suppression de la postulation territoriale, il est impératif d’évaluer objectivement l’efficacité et la fiabilité des outils numériques déjà en place et à venir. Surtout, il convient de replacer le justiciable au cœur de la réflexion : une réforme qui l’ignore est vouée à fragiliser l’accès au droit et l’équilibre du barreau sur tout le territoire.

Guillaume Fricker | Avocat

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