Cautionnement : comment une hypothèque peut anéantir votre défense de nullité

Com. 17 sept. 2025, F-B, n° 24-11.619 - Vous pensiez votre engagement de caution nul pour un vice de forme ? attention, une simple action de votre créancier, comme une inscription d'hypothèque, peut vous empêcher de soulever cette nullité plus tard.

Vous vous êtes porté caution et vous pensez que votre engagement est nul, par exemple à cause d'un vice de forme ?

Méfiez-vous : une simple mesure conservatoire prise par votre créancier, comme une inscription d'hypothèque sur l'un de vos biens, peut vous interdire de soulever cette nullité plus tard. C'est un point technique d'importance, récemment éclairci par la Cour de cassation.

l'exception de nullité : une défense à double tranchant

Lorsqu'une caution est appelée en paiement par un créancier (une banque, le plus souvent), une défense courante est d'invoquer la nullité de son propre engagement. C'est ce qu'on appelle l'exception de nullité. Elle permet à la caution, qui est en position de défendeur au procès, de faire valoir qu'un contrat est vicié, sans être contrainte par le délai de prescription de l'action en nullité (généralement cinq ans). Les motifs peuvent être variés : absence de la mention manuscrite exigée par la loi, disproportion de l'engagement, etc..dalloz_actualite_-_exception_de_nullite_et_inscription_dune_hypotheque_sur_un_bien_de_la_caution.pdf

Toutefois, cette défense a une limite fondamentale, bien connue en droit des contrats : l'exception de nullité est paralysée si l'acte a reçu un commencement d'exécution. C'est sur cette notion que la finance et le droit des sûretés se rencontrent de manière stratégique.

l'inscription d'hypothèque : l'acte qui change tout

Dans une affaire récente et importante du 17 septembre 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé ce qui constitue un "commencement d'exécution" dans le cadre d'un cautionnement.

Les faits étaient classiques : une banque, créancière d'une société en difficulté, se retourne contre la personne qui s'était portée caution. Avant même d'assigner la caution en paiement, la banque prend une inscription d'hypothèque provisoire sur un bien immobilier appartenant à cette caution. Plus tard, lorsque la caution est assignée et tente de se défendre en invoquant la nullité de son engagement, la banque lui oppose que l'inscription hypothécaire valait commencement d'exécution, rendant sa défense irrecevable.

La Cour de cassation donne raison à la banque. Elle affirme que l'inscription d'une hypothèque sur un bien de la caution, même si elle est effectuée unilatéralement par le créancier, constitue un commencement d'exécution du contrat de cautionnement.

Implications stratégiques pour le créancier et la caution

Cette décision a des conséquences pratiques considérables pour les deux parties.

  • Pour le créancier : c'est une arme préventive redoutable. En prenant une inscription hypothécaire (même provisoire, ce qui est une mesure simple et rapide), le créancier "purge" en quelque sorte le cautionnement de ses vices potentiels. Il se prémunit contre une future exception de nullité que la caution pourrait soulever. Cette action consolide une garantie qui pouvait être fragile sur le plan formel. Le créancier n'a pas besoin de l'accord ou de l'action de la caution ; il agit seul et dans son propre intérêt, et cet acte suffit à produire cet effet juridique majeur.
  • Pour la caution : la situation devient beaucoup plus périlleuse. La caution ne peut plus adopter une stratégie attentiste. Si elle pense que son engagement est nul, elle ne peut plus attendre d'être poursuivie pour se défendre. L'inscription de l'hypothèque la prive de cette faculté. Sa seule option est alors d'agir elle-même en justice pour demander l'annulation de son engagement. Or, cette action en nullité est, elle, soumise à un délai de prescription de cinq ans. Passé ce délai, et si le créancier a eu la présence d'esprit de prendre une hypothèque, l'engagement de la caution, même manifestement vicié, devient quasiment inattaquable.

En conclusion, cette jurisprudence renforce la position des créanciers et incite les cautions à une vigilance accrue.

Pour une caution qui doute de la validité de son engagement, l'inaction est la pire des stratégies. Pour un créancier, une simple mesure conservatoire devient un outil stratégique pour sécuriser ses droits à long terme.

Guillaume Fricker | Avocat

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