Faut-il notifier une ordonnance sur requête?
Faut-il notifier une ordonnance sur requête? Comment faire perdre son temps à la deuxième chambre civile et aux deux autres juridictions qui l'ont précédée au passage. Cass. civ 2ème du 8 février 2024, n° 21-21.719
.avif)
L'opposabilité des ordonnances sur requête et le respect du contradictoire
La Cour de cassation, dans son arrêt du 8 février 2024 (n° 21-21.719), réaffirme avec force un principe fondamental de la procédure civile française : une ordonnance sur requête ne peut être opposable qu'aux parties ayant été dûment mises en cause dans la procédure. Cette décision, qui s'inscrit dans un contentieux entre la Société Générale et un emprunteur bénéficiant d'un délai de grâce, apporte des précisions importantes sur les conditions d'opposabilité des décisions de justice rendues par voie de requête.
Faits et procédure
L'affaire opposait la Société Générale à un particulier, M. E., à qui elle avait accordé un prêt.
Suite à des difficultés financières, ce dernier avait obtenu, par une ordonnance du 4 février 2014, des délais de grâce pour le remboursement de son prêt.
Toutefois, cette ordonnance avait été rendue sans que la banque créancière n'ait été mise en cause dans la procédure.
Malgré l'existence de cette ordonnance, la Société Générale avait prononcé la déchéance du terme du prêt accordé à l'emprunteur.
La Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion avait considéré que l'ordonnance octroyant un délai de grâce était opposable à la banque et que cette dernière avait commis une faute en prononçant la déchéance du terme.
Principe juridique consacré
Dans sa décision du 8 février 2024, la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel en rappelant un principe essentiel : une ordonnance sur requête ne peut être opposable à une partie qui n'a pas été mise en cause dans la procédure. La Haute juridiction fonde sa décision sur l'article 14 du Code de procédure civile qui consacre le principe du contradictoire.
La Cour de cassation sanctionne ainsi le non-respect du principe fondamental du contradictoire, qui exige que nulle partie ne puisse être jugée sans avoir été entendue ou appelée. En l'espèce, la banque n'avait pas été appelée dans la procédure ayant conduit à l'ordonnance accordant des délais de grâce à son débiteur, ce qui rendait cette décision inopposable à son égard.
Violation du principe du contradictoire
L'arrêt souligne que la procédure pour obtenir des délais de grâce doit nécessairement s'inscrire dans un cadre contradictoire. La Cour précise ainsi qu'une ordonnance sur requête ne peut être opposée à une personne qui, "par omission ou par fraude", n'a pas été mise en cause par le demandeur.
Cette décision rappelle également l'exigence procédurale de la notification de l'ordonnance à la partie à laquelle on souhaite l'opposer. Sans cette formalité essentielle, l'ordonnance sur requête ne peut produire d'effets à l'égard des tiers à la procédure.
Portée pratique de la décision
Cet arrêt constitue un rappel important pour les praticiens du droit et les justiciables :
- Une ordonnance sur requête n'a d'effet qu'entre les parties présentes ou représentées à l'instance.
- Pour qu'une décision de justice soit opposable à un créancier, celui-ci doit avoir été partie à la procédure ou, à défaut, avoir reçu notification de la décision.
- Le non-respect du contradictoire constitue un vice substantiel de procédure justifiant la cassation d'une décision de justice.
Cette solution s'inscrit dans le cadre de l'ancien article L.313-12 du Code de la consommation (devenu l'article L.341-20), qui prévoit la possibilité pour le juge d'accorder des délais de grâce au débiteur en difficulté, mais avec le respect impératif des droits de la défense pour le créancier concerné.
Implications pour les acteurs du droit bancaire
Pour les établissements bancaires, cette décision confirme qu'ils ne peuvent être tenus par une ordonnance octroyant des délais de grâce à leurs débiteurs sans avoir été préalablement entendus ou appelés dans la procédure.
Pour les débiteurs en difficulté et leurs conseils, l'arrêt rappelle l'importance de veiller à la régularité de la procédure en incluant systématiquement le créancier dans toute demande de délais de grâce, au risque de voir l'ordonnance obtenue privée d'effet.
Cette décision de la Cour de cassation vient ainsi renforcer la sécurité juridique des relations entre créanciers et débiteurs, en garantissant le respect des droits de la défense dans le cadre des procédures sur requête.
Ce que m'insipire cette décision
En 2024, les magistrats de la 2ème chambre civile sont encore obligés d’expliquer qu’une ordonnance sur requête doit être notifiée à celui à qui on entend l’opposer.
N’ont-ils pas mieux à faire?
Ça devient triste.
Après, on me demande pourquoi je ne veux pas dispenser de formation en saisie immo par exemple. A quoi bon essayer de faire rentrer des ronds dans des carrés.
