Obligation de médiation et injonction de payer : C'est non.

La Cour de cassation a tranché : plus besoin de médiation préalable pour une injonction de payer. Une décision de bon sens qui restaure la sécurité juridique pour tous les créanciers.

Le 25 septembre 2025, la Cour de cassation, par un avis très attendu (n° 25-70.013), a mis un terme à des années d'incertitude : l'obligation de médiation préalable de l'article 750-1 du Code de procédure civile ne s'applique PAS à la procédure d'injonction de payer. Ni pour la requête, ni pour l'opposition qui pourrait suivre.

Fin du désordre jurisprudentiel qui pénalisait lourdement les entreprises et les particuliers dans le recouvrement de leurs créances.

Le désordre jurisprudentiel : une insécurité juridique majeure

Depuis la réintroduction de l'article 750-1 CPC, les praticiens naviguaient à vue. Selon le tribunal saisi, une requête en injonction de payer pour une créance de moins de 5 000 € pouvait être :

  • Déclarée irrecevable au motif qu'aucune tentative de médiation n'avait été menée, obligeant le créancier à tout recommencer.
  • Jugée parfaitement recevable par un autre juge estimant la procédure dispensée de cette obligation.

Cette "cacophonie" a atteint son paroxysme lorsque la même Cour d'appel de Nîmes, le 29 juin 2023, a rendu des décisions radicalement opposées le même jour. Dans une affaire (n° 22/03914), elle a trouvé un moyen d'écarter l'obligation, tandis que dans une autre, elle affirmait que l'obligation demeurait, créant une insécurité juridique totale. Pour les avocats et leurs clients, le succès d'un dossier dépendait donc d'un véritable "loto judiciaire".

Le retour du bon sens procédural grâce à la demande d'avis

Face à ce chaos, le tribunal judiciaire de Vannes a eu le réflexe salutaire de saisir la Cour de cassation pour avis, une procédure (art. L. 441-1 COJ) conçue précisément pour unifier le droit sur une question nouvelle et se posant dans de nombreux litiges.

La réponse de la Haute Juridiction est limpide et repose sur la logique même des procédures :

  1. Pour la phase de requête : La Cour juge qu'il est "incompatible" d'exiger une démarche contradictoire (la médiation) avant une procédure conçue pour être unilatérale et rapide. Forcer la médiation reviendrait à dénaturer l'injonction de payer et à en anéantir l'efficacité.
  2. Pour la phase d'opposition : La Cour relève qu'aucun texte ne prévoit de sanctionner par l'irrecevabilité le créancier, qui devient défendeur à l'instance après l'opposition du débiteur. Le sanctionner à ce stade serait une hérésie procédurale.

Ce qui change concrètement pour vous (et vos factures)

Cet avis est une victoire du pragmatisme et a des conséquences directes pour toute personne ou entreprise cherchant à recouvrer une créance :

  • Fin du risque d'irrecevabilité arbitraire pour ce motif.
  • Un gain de temps et d'argent considérable pour les créanciers, qui n'ont plus à engager une médiation préalable obligatoire.
  • La restauration de l'efficacité de l'injonction de payer, qui redevient un outil de recouvrement simple, rapide et fiable pour les "petites créances".

Un avis nécessaire, mais qui interroge

Si cette décision est une excellente nouvelle, elle interroge. On ne peut s'empêcher de la mettre en perspective avec d'autres décisions récentes où la Cour de cassation est contrainte de rappeler des évidences. Le 11 septembre 2025 (n° 24-13.323), elle a dû censurer un juge qui, près de deux ans après une réforme, appliquait encore le droit ancien en matière de surendettement.

Dans les deux cas, la Haute Juridiction se retrouve à devoir trancher des questions qui relèvent du bon sens procédural le plus élémentaire. Cette situation est symptomatique d'une perte de temps considérable pour les justiciables et d'une insécurité juridique préjudiciable. L'avis du 25 septembre est donc un rappel salutaire : si la promotion de l'amiable est une bonne chose, elle ne doit pas se faire au détriment de la cohérence et de l'efficacité de notre Justice.

Guillaume Fricker | Avocat

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