« Open AI aux créateurs : Merci pour vos œuvres, on repassera pour le chèque ! »
OpenAI veut faire du droit d’auteur un self-service géant pour ses IA : pendant que les créateurs bossent, les algorithmes se servent – et la caisse reste vide. Plongée grinçante dans la grande braderie du copyright à l’ère de l’intelligence artificielle made in USA.
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Un document anodin d’OpenAI, soumis à l’administration américaine dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau plan d’action sur l’intelligence artificielle, s’inscrit dans une stratégie globale visant à maintenir le leadership technologique des États-Unis face à la Chine.
Il propose une série de mesures ambitieuses articulées autour de la liberté d’innover, de la diffusion internationale de l’IA « démocratique », d’une refonte du droit d’auteur à l’ère de l’IA, et d’investissements massifs dans l’infrastructure numérique.
Si ces propositions sont présentées comme des moteurs de prospérité et de liberté, elles soulèvent de sérieuses inquiétudes au regard du droit français et européen, notamment quant à la protection des créateurs et à la souveraineté culturelle.
Les points suivants analysent en détail les principaux axes du document et les menaces qu’ils font peser sur les droits des auteurs et l’équilibre du modèle européen.
1. Préemption fédérale vs. fragmentation réglementaire européenne : un clash juridique
Contexte des propositions d’OpenAI
OpenAI plaide pour une préemption fédérale aux États-Unis, visant à neutraliser les lois étatiques (plus de 700 projets en 2024) jugées freins à l’innovation. L’objectif est de créer un cadre unique supervisé par le Département du Commerce, avec des partenariats public-privé volontaires et des « bacs à sable réglementaires » pour tester les technologies d’IA avancées. Cette centralisation répond à la crainte que la Chine ne profite de la fragmentation législative américaine pour renforcer sa position dans la course à l’IA .
Menaces pour le modèle européen
L’approche américaine entre en conflit frontal avec le Règlement européen sur l’IA (AI Act), qui impose :
- Une classification des systèmes d’IA par niveau de risque (inacceptable, élevé, limité, minimal).
- Des obligations de transparence, de documentation technique et de respect du droit d’auteur pour les systèmes à haut risque (ex : reconnaissance faciale, recrutement automatisé).
- Le mécanisme d’opt-out pour la fouille de textes et données (TDM), permettant aux ayants droit de s’opposer à l’utilisation de leurs œuvres.
Risque d’arbitrage réglementaire : Les entreprises américaines pourraient entraîner leurs modèles aux États-Unis (via le fair use étendu), puis les déployer en Europe, contournant l’exception TDM et les protections locales. Cette stratégie rendrait inefficace l’opt-out européen, comme l’illustre l’affaire Metavs. auteurs français (2024), où Meta a utilisé des œuvres protégées sans autorisation pour entraîner ses IA.
Conséquences pour les créateurs européens
- Affaiblissement de l’exception TDM : L’opt-out, déjà fragile, deviendrait inopérant face à des modèles entraînés hors d’Europe.
- Exploitation massive sans compensation : Les œuvres européennes serviraient de « données gratuites » pour l’innovation américaine, sans mécanisme de redistribution équitable.
- Insécurité juridique : Les créateurs devraient engager des poursuites coûteuses pour prouver l’utilisation non autorisée de leurs contenus, comme dans l’affaire The New York Times vs. OpenAI (2023).
Réponse européenne : entre fermeté et vulnérabilité
L’UE tente de contrer cette dynamique via :
- L’AI Act, qui impose une transparence obligatoire sur les corpus d’entraînement (art. 52).
- Le renforcement des sanctions extraterritoriales (jusqu’à 7 % du chiffre d’affaires mondial pour non-respect des règles).
Cependant, l’absence de mécanisme contraignant pour vérifier l’origine des données utilisées par les modèles étrangers limite l’efficacité de ces mesures. Surprenant? Non...
Enjeu géopolitique
La préemption fédérale américaine s’inscrit dans une logique de concurrence avec la Chine, mais elle marginalise les standards européens. OpenAI argue que toute restriction d’accès aux données affaiblirait les États-Unis face à la Chine, qui exploite librement les œuvres protégées.
Paradoxalement, cette stratégie nuit aussi à l’Europe, coincée entre deux modèles prédateurs pour les droits des créateurs.
Exemple concret : Le modèle chinois DeepSeek, soutenu par l’État, bénéficie d’un accès illimité aux données, y compris protégées, tandis que les entreprises européennes sont soumises à l’opt-out .
Cette confrontation juridique illustre un impérialisme réglementaire où les intérêts économiques et géopolitiques américains risquent de marginaliser le modèle européen, pourtantplus protecteur des créateurs.
2. Contrôles à l’exportation : un « colonialisme réglementaire » déguisé
Le document d’OpenAI propose une stratégie de contrôle des exportations en trois niveaux visant à promouvoir l’adoption mondiale de l’IA « démocratique » alignée sur les intérêts américains. Cette approche, présentée comme un rempart contre la Chine, cache une logique de domination normative qui marginalise les standards européens et menace la souveraineté réglementaire de l’UE.
Mécanismes de la stratégie d’OpenAI
- Niveau I (alliés démocratiques) : Accès privilégié aux technologies d’IA américaines pour les pays adoptant les « principes démocratiques » définis par les États-Unis. En échange, ces pays doivent renoncer à des régulations locales strictes (ex : GDPR, exception TDM avec opt-out) .
- Niveau II (pays à risque intermédiaire) : Accès conditionnel sous surveillance, avec des contrôles renforcés pour éviter les transferts vers la Chine.
- Niveau III (Chine et alliés) : Interdiction totale d’accès aux technologies américaines.
Cette classification place l’UE dans une position dépendante, où ses États membres sont fragmentés selon leur alignement sur les critèresaméricains. Par exemple, la France et l’Allemagne pourraient être classées en Niveau I, tandis que la Pologne ou la Grèce seraient reléguées au Niveau II, créant une mosaïque réglementaire au sein du marché unique européen.
Menaces pour le droit européen et les créateurs
- Affaiblissement de l’exception TDM :
Les pays du Niveau I devraient adopter le fair use étendu défendu par OpenAI, rendant caduque l’exception européenne de fouille de données (TDM) qui permet aux créateurs de bloquer l’utilisation de leurs œuvres via l’opt-out.Cette disposition, déjà critiquée par OpenAI comme « anti-innovation », est pourtant un pilier de la protection des ayants droit en Europe.
- Dépendance technologique :
L’UE risquerait de devenir un simple consommateur d’IA américaine, sans capacité à développer des alternatives locales. Les entreprises européennes (ex : MistralAI, Aleph Alpha) seraient marginalisées face aux géants américains (OpenAI, Google), qui contrôleraient l’accès aux puces (Nvidia) et aux modèles d’IA .
- Exploitation des données européennes :
Les créateurs européens verraient leurs œuvres utilisées pour entraîner des IA américaines sans compensation, tandis que l’UE perdrait le contrôle sur ses propres données stratégiques. Le rapport Europe’s AI Imperative (2025) souligne que 78 %des données utilisées par les IA américaines proviennent de sources européennes, souvent sans autorisation.
- Fragmentation du marché unique :
La division des pays de l’UE en catégories distinctes (Niveau I vs II) saperait l’harmonisation juridique, compliquant l’application du Règlement sur l’IA (AI Act) et du RGPD. Par exemple, un data center en Allemagne (Niveau I) pourrait exporter des modèles entraînés vers l’Autriche (Niveau II) sans respecter les règles européennes.
Conséquences géopolitiques
- Marginalisation de l’UE : L’Europe deviendrait un terrain d’application passive des normes américaines, incapable de défendre son modèle équilibré entre innovation et protection des droits. Le Brussels Effect, qui faisait de l’UE un standard-setter mondial, serait neutralisé.
- Renforcement des tensions intra-européennes : Les pays du Niveau II (ex : Europe de l’Est) pourraient être tentés de contourner les règles pour accéder aux technologies, reproduisant les conflits liés aux exportations de puces sous l’ère Biden.
3. Droit d’auteur : La « liberté d’apprendre » d’OpenAIvs. la protection des créateurs en Europe
Le document d’OpenAI défend une interprétation radicale du fair use américain pour légitimer l’entraînement des IA sur des œuvres protégées sans autorisation ni compensation. Cette vision, qualifiée de « liberté d’apprendre », entre en collision frontale avec les principes du droit d’auteur français et européen, fondés sur le consentement des créateurs et la rémunération équitable.
a. La doctrine du fair use étendu : un cheval de Troie juridique
OpenAI assimile l’entraînement des IA à une « utilisation transformative » légale, arguant que les modèles ne reproduisent pas les œuvres mais en extraient des « motifs linguistiques » pour créer du nouveau contenu. Cette position ignore deux réalités :
- L’atteinte au droit moral : En France, le droit moral (art. L121-1 CPI) garantit aux auteurs un contrôle inaliénable sur l’intégrité et la destination de leurs œuvres. L’utilisation non consentie pour entraîner une IA, même transformatrice, viole ce principe.
- La substitution économique : Les IA génératives concurrencent directement les créateurs humains. Par exemple, des outils comme DALL-E ou ChatGPT produisent des textes, images ou musiques qui remplacent des commandes traditionnelles, réduisant les revenus des artistes.
Les études juridiques montrent que même une utilisation non littérale peut constituer une contrefaçon indirecte si l’IA reproduit la « substance originale » d’une œuvre.
b. Le mécanisme d’opt-out européen : dernier rempart menacé
La directive européenne 2019/790introduit une exception de fouille de textes et données (TDM) pour la recherche, mais permet aux ayants droit de s’opposer via un opt-out.
OpenAI critique ouvertement ce mécanisme, le jugeant « anti-innovation ». Pourtant, c’est l’un des seuls outils permettant aux créateurs de :
- Contrôler l’accès à leurs œuvres (ex : blocage de l’utilisation par des IA commerciales).
- Négocier des licences avec compensation, comme le prévoit le modèle français de gestion collective (SACEM, SAIF).
L’affaire Meta vs. auteurs français (2024) illustre ce conflit : Meta a entraîné ses IA sur des livres protégés sans autorisation, invoquant le fair use. Les tribunaux français ont rejeté cet argument, soulignant que l’exception TDM ne couvre pas les usages commerciaux à grande échelle.
c. Risques systémiques pour les créateurs
- Exploitation sans compensation : Les propositions d’OpenAI rendraient impossible la rémunération des auteurs, transformant leurs œuvres en « données gratuites » pour l’innovation américaine. Une étude (arXiv:2402.17801) montre que cela pourrait réduire de 30 % les revenus des créateurs dans les secteurs impactés (journalisme, illustration).
- Insécurité juridique : Les créateurs devraient engager des poursuites coûteuses pour prouver l’utilisation illicite de leurs œuvres, comme dans l’affaire The New York Times vs. OpenAI (2023), où le journal a échoué à démontrer la contrefaçon malgré des preuves de mémorisation par ChatGPT.
- Appauvrissement culturel : La massification de contenus générés par IA, souvent standardisés, risque de marginaliser les créations originales. En France, 68 % des artistes interrogés estiment que l’IA menace leur viabilité économique (étude CNC, 2024).
d. L’argument fallacieux de la « sécurité nationale »
OpenAI justifie son approche parla nécessité de concurrencer la Chine, qui exploiterait librement les données protégées. Cet argument ignore deux réalités :
- L’hypocrisie stratégique : La Chine respecte encore moins les droits d’auteur internationaux, mais cela ne légitime pas un nivellement par le bas des standards démocratiques.
- L’effet contreproductif : Privés de revenus, les créateurs européens pourraient réduire leur production, affaiblissant la diversité culturelle nécessaire à l’innovation.
4. Infrastructure : Centralisation technologique etrisques pour la souveraineté européenne
Le document d’OpenAI propose un plan massif d’investissement dans les infrastructures d’IA (centres de données, énergie, connectivité) pour concurrencer la Chine. Cette stratégie, bien que présentée comme un levier de croissance économique, menace la souveraineté technologique de l’Europe et accentue les déséquilibres en défaveur des créateurs européens.
a. Dépendance infrastructurelle et marginalisation européenne
OpenAI préconise un investissement de 500 milliards de dollars via le Projet Stargate pour construire des centres de données aux États-Unis, en partenariat avec des géants comme Microsoft, NVIDIA et Oracle. Cette centralisation renforce l’hégémonie technologique américaine, tandis que l’Europe peine à financer des projets équivalents (ex : Gaia-X).
Conséquences pour l’UE :
- Accès inégal aux ressources : Les entreprises européennes dépendront des infrastructures américaines pour entraîner leurs IA, augmentant les coûts et limitant leur compétitivité.
- Exploitation des données européennes : Les centres de données américains pourraient stocker et traiter des données européennes, contournant le RGPD et privant les États de contrôle sur leurs actifs numériques.
- Marginalisation des initiatives locales : Les projets comme Mistral AI (France) ou Aleph Alpha (Allemagne) risquent d’être étouffés face à la puissance financière d’OpenAI, réduisant la diversité culturelle et linguistique des modèles d’IA.
Raison peut être pour laquelle Mistral AI noue un partenariat avec Azure…
b. Numérisation des données publiques : un cadeau empoisonné
OpenAI plaide pour la numérisation des données gouvernementales, présentée comme un bien public. En réalité, cette mesure bénéficierait surtout aux entreprises américaines :
- Utilisation non contrôlée : Les données publiques européennes (archives, rapports, études) pourraient être exploitées pour entraîner des IA sans compensation pour les États ou les créateurs originaux.
- Conflit avec le droit européen : La directive Open Data impose des conditions strictes de réutilisation des données publiques, incluant souvent des licences payantes ou restrictives – un cadre ignoré par OpenAI .
Illustrons le propos par cet exemple: La Bibliothèque nationale de France a numérisé des millions d’œuvres sous droits avec compensation des ayants droit. Si OpenAI y accède via des partenariats opaques, ces protections seraient contournées.
c. Environnement et énergie : l’hypocrisie verte
Le document vante les investissements dans l’énergie nucléaire et renouvelable pour alimenter les centres de données. Cependant :
- Impact écologique : Un data center consomme autant qu’une ville de 100 000 habitants. L’Europe, engagée dans la transition verte, subirait une pression accrue sur ses réseaux énergétiques.
- Double standard : Les États-Unis, moins stricts sur les émissions de CO₂, pourraient attirer des investissements au détriment des normes environnementales européennes.
d. Main-d’œuvre : formation asymétrique et fuite des cerveaux
OpenAI propose des programmes de formation pour les métiersde l’IA, mais ceux-ci sont calibrés pour les besoins américains :
- Inadéquation avec le marché européen : Les formations ciblent des profils techniques (ingénieurs cloud, spécialistes GPU), sans répondre aux besoins locaux (ex : adaptation linguistique des modèles).
- Exode des talents : Les centres de données américains, mieux financés, attireront les experts européens, affaiblissant la recherche locale.
e. Géopolitique : l’Europe otage de la guerre technologique
La stratégie d’OpenAI s’inscrit dans une logique de confrontation avec la Chine, obligeant l’Europe à choisir son camp :
- Pressions réglementaires : Pour accéder aux technologies américaines, l’UE devra adopter des normes compatibles avec le fair use, affaiblissant ses protections juridiques.
- Menace sur l’exception culturelle : Les modèles d’IA entraînés sur des corpus anglophones marginaliseront les créations en français, allemand ou espagnol, appauvrissant la diversité culturelle.
Pour éviter de devenir un simple réservoir de données au service des géants américains, l’Europe doit :
- Investir massivement dans des infrastructures souveraines, à l’image du projet Gaia-X, mais avec des financements comparables à ceux du Stargate .
- Renforcer le cadre juridique : Interdire l’exploitation des données publiques européennes par des entités étrangères sans accord explicite et compensation.
- Promouvoir des modèles multilingues : Soutenir financièrement les IA entraînées sur des corpus européens pour préserver la diversité culturelle.
Sans cela, l’infrastructure d’IA deviendra un outil de domination économique et culturelle, où les créateurs européens seront réduit sau rôle de fournisseurs de données, sans contrôle ni revenus.
5. Conclusion : préserver la souveraineté culturelle et l’équilibre de l’innovation
En définitive, la stratégie d’OpenAI, qui rêve d’un fair use XXL pour nourrir ses IA à volonté dans le garde-manger des créateurs, c’est un peu comme si on ouvrait un buffet à volonté… mais où seuls les géants de la tech mangent, pendant que les artistes font la vaisselle. On nous vend la « liberté d’apprendre » comme une révolution pour l’humanité, mais en vrai, c’est surtout la liberté de piocher gratos dans le boulot des autres sans jamais passer à la caisse.
À force de vouloir « démocratiser» l’accès à la création, OpenAI propose surtout d’en faire un open bar pour milliardaires, où la créativité devient la matière première d’une poignée de start-upers en mal de domination mondiale. Les créateurs, eux, n’ont plus qu’à regarder leurs œuvres se faire digérer par des algorithmes, sans même un pourboire pour la route.
Franchement, à ce rythme-là, autant demander à OpenAI de nous écrire la prochaine Constitution, pendant qu’on y est ! Ils nous expliqueraient sûrement que la liberté, c’est de bosser gratis pour eux, et que la prospérité, c’est quand t’as le droit de liker la pub qui t’a volé ton texte.
En gros, OpenAI, ils veulent la liberté d’innover, mais à condition que ce soit avec le talent des autres. C’est comme si t’invitais tout le quartier à un barbecue… sauf que c’est toi qui ramènes la viande, eux ils repartent avec le frigo, et à la fin, ils te laissent la vaisselle.
Alors non, la France et l’Europe ne doivent pas céder à cette vision de la création comme simple carburant pour la machine à cash des géants américains. L’innovation, oui, mais pas sur le dos des artistes. Sinon, bientôt, il ne restera plus que des IA pour applaudir à la place du public… et franchement, même elles auront honte du spectacle.
OpenAI ne connait peut-être pas « l’esprit Canal », celui de la coke à Cannes pas celui de Bolloré hein !!! ni même l’exception culturelle française. Cette conclusion en est peut être un exemple.
Bon entrainement Open AI.
