Responsabilité de la banque du fait de ses démarcheurs

la Cour de cassation précise la responsabilité de plein droit des banques pour les fautes de leurs démarcheurs et confirme qu’un contrat de prêt immobilier peut être volontairement soumis au Code de la consommation, même sans qualité de consommateur. Protection des emprunteurs et les obligations des établissements bancaires. Cass. 1re civ., n° 23-13.923

Responsabilité de la banque du fait de ses démarcheurs et soumission volontaire au Code de la consommation

L’arrêt du 7 mai 2025 (Cass. 1re civ., n° 23-13.923) opère une évolution significative dans la jurisprudence relative au crédit immobilier et à la responsabilité bancaire.

Deux questions centrales y sont traitées :

  • La portée de la responsabilité de la banque du fait de ses démarcheurs,
  • La possibilité pour les parties de soumettre volontairement un contrat de crédit immobilier au Code de la consommation, même lorsque l’emprunteur agit dans le cadre d’une activité professionnelle accessoire.

Cet arrêt, publié au Bulletin et aux Lettres de chambre, est d’autant plus remarquable qu’il tranche des questions débattues, en particulier la nature de la responsabilité instituée par l’article L. 341-4, III du Code monétaire et financier, et la rigueur exigée dans la manifestation de volonté de soumission au droit de la consommation.

Faits et procédure

Un couple, M. et Mme [N], a souscrit en 2006 un prêt immobilier auprès de la société My Money Bank (ex-GE Money Bank), par l’intermédiaire de la société French Riviera Invest (FRI), pour financer l’acquisition de biens immobiliers destinés à une activité de location meublée. Après défaillance dans le remboursement, la banque a prononcé la déchéance du terme et assigné les emprunteurs en paiement. Ceux-ci ont opposé la soumission volontaire du contrat au Code de la consommation et ont recherché la responsabilité de la banque pour les fautes commises par son intermédiaire.

Le Tribunal judiciaire de Privas a accueilli leurs demandes, mais la Cour d’appel de Nîmes, tout en confirmant la soumission volontaire et la déchéance du droit aux intérêts, a rejeté la demande de dommages et intérêts, estimant que la responsabilité de la banque ne pouvait être engagée sans preuve d’une faute personnelle de celle-ci. Les deux parties ont formé un pourvoi, la banque sur la soumission au Code de la consommation, les emprunteurs sur la responsabilité du banquier du fait de son mandataire.

Problématiques juridiques

Deux questions majeures étaient soumises à la Cour de cassation :

  • La banque est-elle responsable de plein droit des fautes commises par ses démarcheurs, ou faut-il établir une faute personnelle de la banque ?
  • Un contrat de crédit immobilier conclu pour financer une activité professionnelle accessoire peut-il être volontairement soumis au Code de la consommation, et à quelles conditions ?

I. Responsabilité de la banque du fait de ses démarcheurs

1.1. Le contexte législatif et jurisprudentiel

L’article L. 341-4, III du Code monétaire et financier, issu de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, prévoit que les établissements de crédit sont civilement responsables du fait des démarcheurs auxquels ils ont délivré un mandat, dans la limite du mandat. La question était de savoir si cette responsabilité est de plein droit (objective) ou s’il faut prouver une faute de la banque, conformément au droit commun du mandat, tel qu’interprété par la chambre mixte en 2021 (Cass., ch. mixte, 29 oct. 2021).

1.2. L’interprétation de la Cour de cassation : une responsabilité de plein droit

La Cour de cassation opère un revirement et affirme que l’article L. 341-4, III institue une responsabilité de plein droit :

« L’établissement de crédit est responsable de plein droit du fait des démarcheurs, agissant en cette qualité, auxquels il a donné mandat, sans pouvoir s’exonérer par la preuve d’une absence de faute. »

Cette solution s’appuie sur :

  • L’historique législatif : la volonté du législateur de renforcer la protection du démarché, en supprimant la référence à la notion de préposé mais en maintenant une responsabilité objective inspirée de l’ancien article 1384 du Code civil.
  • L’objectif de sécurité des épargnants et des assurés, inscrit dans la loi de 2003.
  • La jurisprudence antérieure à 2021, qui admettait déjà une telle responsabilité de plein droit.

La Cour écarte ainsi l’application du droit commun du mandat, qui subordonne la responsabilité du mandant à la preuve d’une faute personnelle, pour retenir un régime spécial plus protecteur du client démarché.

1.3. Conséquences pratiques et portée de la décision

Cette décision impose aux établissements bancaires une vigilance accrue dans le choix et le contrôle de leurs intermédiaires, car toute faute commise par un démarcheur dans le cadre du mandat engage automatiquement la responsabilité de la banque, sans que la victime ait à prouver une faute de celle-ci.

La solution est sévère pour l’établissement bancaire qui voit sa responsabilité engagée en l’absence de démonstration d’une faute par son contradicteur. 

Cette responsabilité objective est appelée à jouer un rôle important dans le contentieux sériel des crédits immobiliers et du démarchage bancaire.

II. Soumission volontaire au Code de la consommation

2.1. Les conditions de la soumission volontaire

La Cour rappelle que, sauf disposition contraire, les parties peuvent soumettre volontairement un contrat au Code de la consommation, même si l’emprunteur n’a pas la qualité de consommateur12. Cependant, cette volonté doit être claire et dépourvue d’équivoque : la simple référence à des articles du Code dans le contrat ne suffit pas (Civ. 1re, 9 mars 2022, n° 20-20.390).

Dans l’affaire commentée, la banque avait été informée du caractère professionnel accessoire de l’opération (location meublée) et avait expressément visé et reproduit les articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation dans l’offre de prêt. Ce faisceau d’indices a permis de caractériser une volonté non équivoque de soumettre le contrat au régime protecteur du Code de la consommation.

2.2. Application au cas d’espèce et enjeux pour les établissements bancaires

Cette soumission volontaire a eu des conséquences lourdes pour la banque :

  • Elle a été déchue du droit aux intérêts, n’ayant pas respecté le formalisme imposé par le Code de la consommation (preuve de l’envoi et de l’acceptation de l’offre par voie postale).
  • La charge de la preuve du respect du formalisme pèse sur le prêteur, et le non-respect entraîne la perte de la rémunération au titre des intérêts.

L’arrêt rappelle ainsi l’importance, pour les établissements bancaires, d’adapter le contenu contractuel à la situation réelle des emprunteurs et de ne pas insérer inutilement des références au Code de la consommation lorsque le contrat ne relève pas de ce régime, sous peine d’en subir toutes les conséquences.

III. Discussion critique et perspectives

L’arrêt du 7 mai 2025 s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle marquée par une volonté de protection accrue des emprunteurs et des clients démarchés, au détriment de la sécurité juridique des établissements bancaires.

  • Sur la responsabilité de la banque : La solution retenue, bien que sévère pour les banques, apparaît fidèle à l’esprit du législateur, qui souhaitait éviter que les établissements se déchargent trop facilement des fautes de leurs intermédiaires. Elle s’inscrit dans la lignée des régimes de responsabilité objective, hérités de l’ancien article 1384 du Code civil, et vise à garantir une protection effective des consommateurs et des investisseurs.
  • Sur la soumission volontaire au Code de la consommation : L’arrêt confirme la possibilité pour les parties de choisir un régime protecteur, mais rappelle la nécessité d’une volonté claire. Il met en garde contre les pratiques contractuelles standardisées qui ne tiennent pas compte de la nature réelle de l’opération.

Cette décision aura un impact significatif sur la pratique bancaire, en imposant une rigueur accrue dans la rédaction des contrats et dans la gestion des relations avec les intermédiaires.

Conclusion

L’arrêt du 7 mai 2025 consacre deux principes majeurs :

  • La responsabilité de plein droit de la banque du fait de ses démarcheurs, sans exigence de faute personnelle, dès lors que l’article L. 341-4, III du Code monétaire et financier s’applique12.
  • La possibilité de soumission volontaire d’un contrat de crédit immobilier au Code de la consommation, à condition que cette volonté soit claire et non équivoque, même si l’emprunteur n’a pas la qualité de consommateur12.

Ces solutions, protectrices des emprunteurs, imposent aux établissements bancaires une vigilance contractuelle et opérationnelle renforcée. Elles illustrent l’importance d’une veille juridique constante et d’une adaptation des pratiques à l’évolution du droit positif.

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Guillaume Fricker | Avocat

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