Bail commercial, clause de non recours et obligation de délivrance

Les clauses de non-recours face à l'obligation de délivrance dans les baux commerciaux. - Cass. civ. 3e, 10 avril 2025, n° 23-14.974

Clauses de Non-Recours et Obligation de Délivrance dans les Baux Commerciaux - Victoire par KO de l'obligation de délivrance

La troisième chambre civile peaufine sa jurisprudence s'agissant de  'inefficacité des clauses de non-recours dans les baux commerciaux face à l'obligation fondamentale de délivrance du bailleur. Cette décision d'importance précise la portée des renonciations contractuelles dans le cadre des relations entre bailleurs et preneurs commerciaux.

Faits et procédure

La société DoubleTrade, locataire de bureaux, avait constaté des infiltrations d'eau rendant les locaux impropres à leur destination. Après expertise et résiliation du bail, un contentieux s'est développé:

  • La bailleresse (CNP Assurances) réclamait le paiement de loyers impayés et des pénalités contractuelles
  • La locataire invoquait un manquement à l'obligation de délivrance
  • La cour d'appel de Versailles avait donné raison au bailleur en se fondant sur une clause de non-recours

Question posée à la cour

  • Une clause de non-recours peut-elle exonérer le bailleur commercial de son obligation de délivrance?

Fondements juridiques de la décision

La Haute juridiction s'appuie sur plusieurs textes fondamentaux:

  • Articles 1719 et 1720 du code civil: Obligations du bailleur de délivrer la chose en bon état
  • Article 624 du code de procédure civile: Principe de dépendance nécessaire justifiant l'extension de la cassation

Position adoptée par la Cour de cassation

La Cour affirme clairement que:

  1. L'obligation de délivrance constitue une obligation fondamentale du bailleur commercial
  2. Une clause de non-recours ne peut jamais exonérer le bailleur de cette obligation essentielle
  3. Il existe une distinction nette entre les clauses répartissant les charges d'entretien (valides) et celles exonérant de l'obligation de délivrance (invalides)

Portée juridique et implications pratiques

Cette jurisprudence:

  • Renforce la protection des locataires commerciaux
  • Impose des limites claires à la liberté contractuelle dans les baux commerciaux
  • S'inscrit dans la continuité d'une décision de la Cour de cassation du 5 juin 2002*
  • Offre un cadre juridique précis pour la rédaction des clauses dans les baux commerciaux

Conclusion: impact sur la pratique des baux commerciaux

Cette décision constitue une référence incontournable pour les professionnels de l'immobilier commercial et les juristes spécialisés en droit des baux. Elle limite significativement la portée des clauses exonératoires et affirme le caractère d'ordre public de l'obligation fondamentale de délivrance, indépendamment des stipulations contractuelles.

Rappel de la jurisprudence antérieure

Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 5 juin 2002, pourvoi n° 00-19.037.

Dans cet arrêt, la Cour a posé le principe selon lequel "le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée" Il établit également que le bailleur ne peut pas se décharger de son obligation de délivrance en stipulant simplement dans le bail que le locataire prend les locaux dans l'état où ils se trouvent.

Cette jurisprudence constitue un précédent important régulièrement cité dans les décisions ultérieures concernant l'inefficacité des clauses de non-recours face à l'obligation essentielle de délivrance dans les baux commerciaux.

Guillaume Fricker | Avocat

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