Bail d'habitation : paiement des loyers et indécence du logement

Sécuriser les baux. Anticiper les litiges. Valoriser la conformité : Logement décent et paiement des loyers - Civ3, 13 mars 2025, 22-23.406

La troisième chambre civile réaffirme fermement que l’exception d’inexécution ne peut être opposée par le locataire que s’il justifie d’une impossibilité totale d’habiter ou d’utiliser le logement, même lorsque celui-ci présente des vices graves de décence.

La Cour de cassation précise parallèlement que l’obligation de paiement des loyers demeure due dans les termes du bail et que seuls les juges du fond peuvent ajuster rétroactivement son montant.

Contexte et faits

Le litige oppose Mme H (locataire) à M. B (bailleur) à la suite de graves désordres d’étanchéité, d’humidité et d’installations électriques et de gaz dangereuses rendant le logement indécent et potentiellement dangereux pour la santé et la sécurité des occupants.
Après une première expulsion en octobre 2013 et une réintégration en mars 2014, Mme H avait cessé de régler ses loyers depuis novembre 2011 et demandé la consignation des loyers et indemnités.

Question de droit

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté l’exception d’inexécution soulevée par la locataire au motif qu’elle n’avait pas prouvé l’« impossibilité totale » d’habiter les lieux. Mme H contestait également le montant de l’indemnité d’occupation et la condamnation aux loyers impayés.

Solution de la Cour de cassation

La Cour casse partiellement l’arrêt sur un point strictement quantitatif : elle réduit la somme due au titre des loyers impayés, en retenant que la locataire était hors des lieux d’octobre 2013 à mars 2014. Elle confirme en revanche que :

  • L’exception d’inexécution n’est pas admise dès lors que le locataire peut, même partiellement, habiter ou utiliser le logement ;
  • Le paiement intégral des loyers demeure exigible aux termes convenus tant que le bail n’est pas judiciairement suspendu ou modifié.

Jurisprudence antérieure

  • Cass. 3e civ., 6 juillet 2023, n° 22-15.923 : un bail commercial a confirmé l’impossibilité d’invoquer l’exception d’inexécution dès lors que le locataire pouvait continuer à exploiter les locaux.
  • Cass. 3e civ., 7 juillet 2016, n° 15-16.097 : maintien de l’obligation de paiement du loyer si le local reste utilisable aux fins prévues.
  • Cass. civ. 3e, 14 nov. 2024, n° 23-12650 : obligation de délivrance et de maintien d’un logement décent, sans exonération sauf force majeure.

Positionnement par rapport à la jurisprudence actuelle

Cet arrêt s’inscrit dans la ligne ferme tracée par la Cour de cassation depuis 2016 sur l’exception d’inexécution :

  • Il renforce la condition de l’impossibilité totale d’usage pour suspendre le loyer.
  • Il souligne la portée stricte de l’obligation de décence et rappelle qu’aucune absence de mise en demeure préalable par le locataire ou vétusté partielle du logement ne justifie un non-paiement.

Enjeux pratiques: que faire

Pour les professionnels de l’immobilier et du droit :

  • Sécuriser les baux : prévoir des clauses de résiliation et de révision de loyer en cas d'indécence.
  • Anticiper les litiges : conseiller les locataires de saisir la commission de conciliation ou le juge avant de suspendre tout paiement.
  • Valoriser la conformité : maintenir en permanence le logement dans les normes de décence pour éviter les contentieux.

Cet arrêt précise que seul un empêchement absolu d’usage du logement autorise un locataire à suspendre son loyer et confirme la réaffirmation constante de la Cour de cassation sur le respect strict des obligations contractuelles, notamment en matière de paiement des loyers et de décence du logement.

Guillaume Fricker | Avocat

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