Liquidation judiciaire : Insaisissabilité et entrepreneur individuel

Insaisissabilité résidence principale, entrepreneur individuel, liquidation judiciaire, indemnité de réparation, protection patrimoine, article L. 526-1 code de commerce, gage commun créanciers, procédure collective. Com, 30 avril 2025, n° 24-10.680

Com, 30 avril 2025, n° 24-10.680

La chambre commerciale précise la portée de l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel en liquidation judiciaire, en étendant cette protection à l’indemnité destinée à réparer ce bien.

Cette décision, publiée au Bulletin, s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence protectrice de l’entrepreneur individuel et précise l’application de l’article L. 526-1 du code de commerce.

Les faits et la procédure

  • M. [P], entrepreneur individuel, est placé en liquidation judiciaire en octobre 2017, un liquidateur étant désigné.
  • En janvier 2018, un tribunal condamne un entrepreneur à verser à M. et Mme [P] une indemnité de 36 380,80 euros pour des travaux défectueux ayant causé des désordres sur la toiture de leur résidence principale.
  • Le liquidateur exige que cette indemnité soit versée à la liquidation, considérant qu’elle constitue un actif saisissable.
  • M. et Mme [P] s’y opposent, invoquant l’insaisissabilité de leur résidence principale et, par ricochet, de l’indemnité destinée à sa réparation.

Problématique juridique

La question centrale était de savoir si l’indemnité allouée pour réparer la résidence principale d’un entrepreneur individuel bénéficie de la même insaisissabilité que le bien immobilier lui-même, ou si elle peut être appréhendée par le liquidateur au profit des créanciers professionnels.

Solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, qui avait jugé l’indemnité saisissable. Elle affirme que l’indemnité destinée à la réparation de la résidence principale insaisissable de l’entrepreneur individuel ne peut pas être appréhendée par le liquidateur. Elle n’entre donc pas dans le gage commun des créanciers professionnels, conformément à l’article L. 526-1 du code de commerce.

« Il résulte de ces textes que l’immeuble insaisissable de plein droit appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire n’entrant pas dans le gage commun de ses créanciers, le liquidateur n’est pas investi par l’effet du jugement d’ouverture du pouvoir d’accomplir les actes de disposition et d’administration sur ce bien de sorte qu’étant sans qualité pour agir en réparation des désordres affectant cet immeuble, il ne peut obtenir le versement de l’indemnité allouée à ce titre qui n’entre pas dans le gage commun des créanciers. »1

Analyse

A. Portée de la décision

  • Sécurité juridique renforcée : L’arrêt consacre une protection élargie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, en incluant l’indemnité de réparation dans le champ de l’insaisissabilité. Cela évite que la protection du bien soit contournée par la saisie de la somme destinée à sa préservation.
  • Cohérence avec l’esprit de la loi : La Cour rappelle que l’indemnité n’a d’autre vocation que de maintenir l’intégrité d’un bien insaisissable, et qu’elle doit donc bénéficier du même régime protecteur. Cette solution est conforme à la volonté du législateur d’assurer une protection effective de la résidence principale de l’entrepreneur individuel.
  • Limites posées à l’action du liquidateur : Le liquidateur ne peut ni réclamer, ni percevoir une indemnité destinée à la réparation d’un bien insaisissable, même si la somme est versée entre les mains de l’entrepreneur après l’ouverture de la liquidation judiciaire1

B. Conséquences pratiques

  • Protection du patrimoine personnel : L’entrepreneur individuel voit son patrimoine personnel, et notamment sa résidence principale, effectivement préservé des poursuites professionnelles, y compris en cas de sinistre nécessitant une réparation.
  • Sécurité pour les assureurs et entrepreneurs : Les assureurs et entrepreneurs intervenant sur la résidence principale d’un entrepreneur individuel savent que les indemnités versées pour réparation ne pourront être détournées de leur objet par la procédure collective.

Conclusion

Cet arrêt du 30 avril 2025 marque une étape importante dans la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel, en confirmant que l’indemnité destinée à réparer la résidence principale bénéficie de la même insaisissabilité que le bien lui-même. Il renforce la sécurité juridique des entrepreneurs individuels en liquidation judiciaire et clarifie le régime des actifs exclus du gage commun des créanciers professionnels.

mots clés : Insaisissabilité résidence principale, entrepreneur individuel, liquidation judiciaire, indemnité de réparation, Cour de cassation, protection patrimoine, article L. 526-1 code de commerce, arrêt 30 avril 2025, gage commun créanciers, procédure collective.

Guillaume Fricker | Avocat

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