Saisie conservatoire de navire : le recouvrement simplifié par la Cour de cassation
Un arrêt du 10 septembre 2025 de la Cour de cassation facilite la saisie conservatoire de navire : il n'est plus nécessaire de prouver que la créance est fondée, une simple allégation suffit. Cette décision renforce l'efficacité du recouvrement pour les créances maritimes en accélérant la procédure.

La saisie conservatoire d'un navire est une arme redoutable pour un créancier. En immobilisant un navire au port, cette procédure de voie d'exécution met une pression considérable sur le débiteur pour obtenir le paiement d'une dette. Cependant, les conditions pour y parvenir semblaient complexes, à la croisée du droit français et des conventions internationales.
Par un arrêt du 10 septembre 2025, la cour vient de simplifier la donne pour les créanciers. Désormais, la simple allégation d'une "créance maritime" suffit pour demander la saisie, sans avoir à prouver d'emblée que la créance est "fondée en son principe". C'est un changement majeur qui renforce l'efficacité du recouvrement dans le secteur maritime.
Le droit de saisir un navire : un dédale juridique ?
Jusqu'à présent, la pratique de la saisie de navire était soumise à une dualité de textes pouvant prêter à confusion :
- Le droit interne français : principalement l'article L. 5114-22 du code des transports, qui exige du créancier qu'il justifie d'une créance "paraissant fondée en son principe". Cette condition impose un début de preuve solide dès la demande d'autorisation.
- La convention de Bruxelles de 1952 : ce traité international, applicable lorsque la saisie vise un navire battant pavillon d'un État contractant dans un autre État contractant (comme la France et l'Algérie dans l'affaire jugée), est bien plus souple. Il suffit au créancier d'« alléguer » l'existence d'une des créances maritimes listées à son article 1er.
La question était donc de savoir quelle règle appliquer. Fallait-il, même sous l'empire de la convention, satisfaire à l'exigence plus stricte du droit français ?
La Cour de cassation tranche : la convention de Bruxelles d'abord
Dans son arrêt du 10 septembre 2025, la chambre commerciale a mis fin au débat de manière cinglante en cassant un arrêt de la cour d'appel de Montpellier.
Les faits et la décision
Une société algérienne avait obtenu l'autorisation de saisir à titre conservatoire un navire appartenant à une autre société algérienne, alors que celui-ci se trouvait dans un port français. La cour d'appel avait pourtant ordonné la mainlevée de la saisie. Son raisonnement ? Elle estimait que, bien que la créance relève de la convention de Bruxelles, elle ne paraissait pas "suffisamment fondée en son principe" au sens du droit français.
La Cour de cassation censure cette analyse. Elle réaffirme le principe de primauté du droit international sur le droit interne :
Si les règles de procédure relatives à l'obtention de l'autorisation de saisir un navire sont régies par la loi de l'État contractant dans lequel la saisie a été demandée, la simple allégation par le saisissant de l'existence, à son profit, de l'une des créances maritimes visées à l'article 1er de la convention, suffit à fonder son droit de saisir le navire auquel cette créance se rapporte.
En d'autres termes, les juges du fond n'ont pas à vérifier si la créance paraît fondée selon les critères du droit français. Dès lors que la convention de 1952 est applicable, la seule allégation d'une créance maritime suffit.
Quelles conséquences pratiques pour les créanciers ?
Cette décision est une excellente nouvelle pour les entreprises et les créanciers du monde maritime. Elle simplifie considérablement la phase initiale et cruciale de la saisie.
- Une charge de la preuve allégée : le créancier n'a plus besoin de monter un dossier quasi complet pour obtenir l'autorisation de saisir. Il doit simplement qualifier sa créance comme étant l'une de celles listées par la convention (liée à la construction, la réparation, l'avitaillement du navire, un contrat de transport, etc.).
- Une procédure plus rapide et efficace : moins d'exigences signifie une obtention plus rapide de l'ordonnance de saisie, ce qui est essentiel pour agir avant que le navire ne quitte le port.
- Une plus grande sécurité juridique : en clarifiant la hiérarchie des normes, la Cour de cassation offre une prévisibilité bienvenue et décourage les contestations dilatoires fondées sur une mauvaise articulation des textes.
Votre checklist avant d'agir
Pour bénéficier de ce régime simplifié, vérifiez ces trois points :
- Votre créance est-elle une créance maritime au sens de l'article 1er de la convention de 1952 ?
- Le navire que vous visez bat-il pavillon d'un État contractant ?
- La saisie est-elle envisagée dans le port d'un État contractant ?
Si la réponse est "oui" à ces trois questions, la voie est ouverte pour une action rapide et efficace. Cet arrêt réaffirme la volonté de protéger les créanciers maritimes et consacre la force d'un outil de recouvrement puissant.
Pour toute stratégie de recouvrement ou la mise en œuvre d'une saisie conservatoire de navire, notre cabinet se tient à votre disposition pour sécuriser vos droits avec efficacité et réactivité.
